L'été sera brûlant

Dimensions:

Dimensions variables

Lieu:

Ecole d'art de Mortagne du Nord

La Ciergerie Leroy est la seule qui reste dans le Nord de la France.
Elle dessert la majorité des églises de la région. En résidence dans ses murs, j'observe Marie qui découpe les mèches, Ludovic qui trempe les cierges dans la cuve et Hervé qui coule des blocs de cire. Avec Olivia, qui dirige cette entreprise, on parle beaucoup de l'avancée du projet et des multiples manières de travailler la paraffine. Les gestes effectués sont, à peu de différences près, les mêmes depuis 1870.

En utilisant les mèches en coton utilisées pour la réalisation des cierges, je me lance dans l’apprentissage du macramé. Cette technique me renvoie aux confections de scoubidous ou de bracelets marins de mon enfance.
Le nœud me permet de donner la forme d'une structure plus importante qui sera ensuite trempée et pourquoi pas consumée.
Symboliquement, le nœud est l'alliance de plusieurs fils qui se lient, c'est un entrelacement qui consolide et qui réunit. C’est aussi ce qui enferme.

Durant le processus de trempage, la température influe sur la réalisation. Travaillée entre 60 et 70 degrés, il faut trouver la bonne température et immerger les sculptures en devenir un certain nombre de fois, pour obtenir un résultat qui finit par m’échapper. L’accumulation de cire dissipe les nouages des macramés et avec elles, le souvenir que j’en avais.
La paraffine est un résidu minéral issu du pétrole. Ni écologique, ni vraiment toxique, c’est pourtant une matière vivante. Elle passe successivement d’états liquides à solides durant son processus de transformation et continue d’évoluer entre ces deux états en fonction du milieu dans lequel elle se trouve.
À l’état solide elle devient fragile et cassante. J’ai mis un certain temps avant de comprendre cette matière et la manière de l’utiliser.
Finalement, elle s’apparente à l’espace scénographique dont j’ai envie de parler : un milieu végétal empreint d’une toxicité et rendu fragile.

Composé de végétaux tels que des tournesols ou
des cardères, je noue des macramés autour de la fleur que je trempe. Une fois refroidie, la cire se fige dans le mouvement.
Plusieurs visions apparaissent : celle
d’un été où il aurait neigé, symbole d’un dérèglement ou celle de pétales recomposés sur cette fleur morte : symbole d’un monde à moitié mort.

Prise dans un imaginaire et une tension entre mort et vivant, la racine offre ses formes les plus obscures, surprenantes ou incongrues, aux multiples tentatives de notre esprit de les saisir. En vain. Cette forme-racine, cet objet-racine, cet élément difficilement qualifiable, se préserve dans son intimité gracieuse dont l’infinie délicatesse est certainement de savoir se situer à l’abri des regards humains, dans l’ombre fraîche d’une terre humide et meuble ou dans la sécheresse d’une glaise aride, mais protégée de la visibilité du monde des apparences.
Inventer la racine, une poésie souterraine Dans Communications 2019/2 (n° 105), pages 27

Il s’agit d’un travail de mémoire autour de ce paradis perdu qu’est l’enfance. Entre chaleur tapante des champs de tournesols et neige en plein été, on pénètre dans un écosystème fragile où les souvenirs lointains oscillent entre réalité et fantasme. On navigue dans cet espace archéologique en ruine
à la temporalité étirée. Les saisons se superposent et témoignent d’un continuum espace-temps perturbé. Entre vie et mort, la cire est à la fois l’élément qui recouvre et fait disparaître, mais aussi l’élément qui révèle et donne naissance à d’autres formes en se consumant.
Ici, il est aussi question de renaissance.

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